Renoncer à la clause de non-concurrence pour éviter le paiement de la contrepartie financière : gare aux délais !

Pour mémoire : Les conditions (cumulatives) de validité de la clause de non-concurrence sont les suivantes. La clause doit :

  • être écrite,
  • être indispensable à la protection d’un intérêt légitime de l’entreprise et ne doit pas porter atteinte à la liberté du travail du salarié,
  • être limitée dans le temps et l’espace,
  • être limitée quant à la nature de l’activité de l’entreprise et les spécificités de l’emploi du salarié
  • Prévoir une contrepartie financière.

L’employeur a la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence, et ainsi de se libérer du paiement de la contrepartie financière, mais cette possibilité est encadrée  dans des  conditions  strictes de délai.

En effet, tandis que le déclenchement de la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de travail se fait automatiquement, à la rupture du contrat, sans que l’employeur n’ait de formalité à accomplir, il en est autrement de la renoncation unilatérale à l’application de la clause de non-concurrence par l’employeur :

Non seulement la possibilité de renonciation doit être expressément prévue par le contrat de travail ou la convention collective (si cette faculté de renonciation n’est pas prévue l’employeur ne pourra y renoncer qu’avec l’accord du salarié !), mais encore, la renonciaton devra respecter un certain formalisme, et surtout, être faite dans un certain délai afin de ne pas être considérée comme inopérante.

Comment éviter une renonciation inopérante ?

Il faudra prêter attention à trois éléments :

Le délai de renonciation :

En principe, la convention collective ou le contrat de travail prévoit la faculté de renoncer à la clause de non-concurrence dans un certain délai suivant la notification de la rupture du contrat de travail.

Si aucun délai n’est prévu, l’employeur doit renoncer à la clause au moment de la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 13 juill. 2010, no 09-41.626) ou dans un délai raisonnable à compter de la notification de la rupture (Cass. soc., 13 juin 2007, no 04-42.740 : hypothèse d’une prise d’acte de la rupture par le salarié) excepté en cas de rupture conventionnelle (Cass. soc., 22 janv. 2022, no 20-15.755).

Le point de départ du délai de renonciation

La date de notification de la rupture du contrat de travail constitue le point de départ du délai de renonciation.

  • Licenciement

En cas de licenciement, le point de départ du délai de renonciation est la date de notification de la rupture càd la date de l’envoi de la lettre de licenciement.

  • Démission

C’est la date de notification de la démission – càd le jour où la société réceptionne la lettre de démission, ou, lorsque la démission est donnée par lettre remise en main propre, la date de remise –  qui constitue le point de départ du délai de renoncation.

Renoncer à la clause de non-concurrence pour éviter le paiement de la contrepartie financière gare aux délais !

ATTENTION : DISPENSE DE PREAVIS / ABSENCE DE PREAVIS EN CAS DE FAUTE GRAVE

Lorsque le préavis (de démission ou de licenciement) n’est pas effectué (dispense ou absence de préavis suite à une faute grave/lourde), l’employeur doit impérativement renoncer à la clause de non-concurrence au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise (et non à la date à laquelle le préavis aurait pris fin s’il avait été exécuté (Cass. soc., 13 mars 2013, no 11-21.150 ; Cass. soc., 21 janv. 2015, no 13-24.471)).

Ainsi:

  • en cas de dispense totale de préavis, l’employeur devra renoncer à l’application de la clause de non-concurrence au plus tard au jour de la notification du licenciement
  • en cas de dispense partielle de préavis, la renonciation pourra avoir lieu, au plus tard, le dernier jour du préavis effectué.

En tout état de cause, la renonciation ne pourra pas intervenir après le départ effectif du salarié de l’entreprise !

Le principe est identique en cas de licenciement pour faute grave : la renonciation doit intervenir au plus tard à la date du départ effectif du salarié.

  • Fin du contrat à durée déterminée

En l’absence de position jurisprudentielle, il convient de raisonner par analogie avec le licenciement (cf. ci-dessus) : on peut penser qu’en l’absence de précisions contractuelles la renonciation doit parvenir au salarié avant son départ effectif de l’entreprise.

  • Résiliation judiciaire

Lorsque le contrat de travail est rompu à la suite d’une résiliation judiciaire, la Cour de cassation considère que le point de départ du délai de renonciation à la clause de non-concurrence se situe à la date du jugement prononçant la résiliation (Cass. soc., 6 mai 2009, no 07-44.692).

  • Prise d’acte de la rupture

La prise d’acte de la rupture rompt immédiatement le contrat de travail. En l’absence d’une clause contractuelle ou conventionnelle, la Cour de cassation préconise d’observer un « délai raisonnable ». Ce délai court à compter de la date à laquelle l’employeur a eu connaissance de la prise d’acte de la rupture (Cass. soc., 13 juin 2007, no 04-42.740).

En l’espèce, avait été considérée comme raisonnable la renonciation intervenue un mois après la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Il peut être aussi soutenu que le délai raisonnable équivaut à la durée du préavis dû en cas de démission.

  • Le cas particulier de la RUPTURE CONVENTIONNELLE individuelle ou collective :

La renonciation unilatérale de l’employeur à la clause de non-concurrence doit impérativement intervenir au plus tard à la date de la rupture fixée par les parties dans la convention de rupture, peu important les stipulations ou les dispositions prévoyant un délai supplémentaire (Cass. soc., 26 janv. 2022, no 20-15.755).

La date de la renonciation

Sauf disposition contraire, seule la date d’envoi de la lettre de renonciation est prise en compte pour déterminer si l’employeur a renoncé à la clause de non-concurrence dans le délai imparti (Cass. soc., 25 nov. 2009, no 08-41.219). Autrement dit, le fait que l’écrit n’ait été réceptionné par le salarié qu’après l’expiration du délai de renonciation (voire qu’il ne l’ait jamais réceptionné) est sans incidence (Cass. soc., 10 juill. 2013, no 12-14.080) et permet à l’employeur d’échapper au paiement de la contrepartie financière.

CONCLUSION :

La question du respect du délai est primordiale pour l’employeur :

La renonciation effectuée dans les délais permettra à l’employeur d’échapper au paiement de la contrepartie financière et  au salarié d’être libéré de son obligation de non-concurrence. Au contraire, effectuée hors délai, la renonciation est inexistante et l’employeur est obligé de s’acquitter de la contrepartie financière pour toute la durée d’interdiction.