Forfait annuel en jours : attention danger !

En pratique, la mise en œuvre d’une convention individuelle de forfait jours requiert le respect d’un nombre important de règles juridiques qui s’apparentent à un véritable champ de mine !

Ainsi, nombreux sont ceux qui pensent qu’une simple auto-déclaration du salarié relative aux journées et demi-journées travaillées serait suffisante pour assurer la validité d’une convention de forfait-jours. Or sans suivi effectif de la part de l’employeur, ce ne sera pas le cas ( Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-22.890) !

En effet, non seulement l’employeur doit décompter le nombre de jours travaillés au forfait (*). Mais surtout, il doit assurer un suivi de la charge de travail, s’assurer régulièrement du caractère raisonnable de la charge de travail du salarié et d’une bonne répartition de ce travail dans le temps, de manière à permettre de remédier à toute surcharge éventuelle de travail.

  • Plus précisément, les accords d’entreprise ou de branche doivent prévoir un suivi effectif et régulier du temps de travail des salariés concernés. A défaut, les conventions individuelles de forfait conclues sur leur base encourent la nullité. La Cour de cassation l’a encore rappelé récemment, dans un arrêt du 13 octobre 2021, considérant que toute convention de forfait-jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. A défaut, la convention individuelle de forfait-jours est nulle.

Focus

Arrêt du 13 octobre 2021 (n° 19-20.561)

❓Les faits :
Un cadre bancaire avait signé une convention de forfait-jours en 2006, en application de la convention collective nationale du Crédit Agricole.
Le salarié avait démissionné en 2016, puis avait saisi le Conseil de prud’hommes, sollicitant la requalification de sa démission en prise d’acte aux torts de son employeur et la nullité de sa convention de forfait en jours.

➡️ Décision de la Cour d’appel de POITIERS
Le 5 juin 2019, la Cour d’appel de Poitiers a débouté le salarié de ses demandes, relevant que la convention de forfait-jours signée entre les parties prévoyait notamment qu’en cas de situation durable d’amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d’y remédier.

➡️ Analyse de la Cour de cassation
La Cour de cassation a censuré cette analyse. Elle a estimé que la convention collective n’instituait pas un « suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ».
Dès lors, les dispositions conventionnelles n’étaient pas de nature « à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer que le travail du salarié fasse l’objet d’une bonne répartition dans le temps ».
En conséquence, la convention de forfait-jours a été annulée.

  • Cependant, les dispositions supplétives de l’article L. 3121-65 du Code du travail permettent de conclure des conventions individuelles malgré le caractère incomplet de l’accord collectif si ce dernier a été conclu avant la loi du 8 août 2016.

En d’autres termes, l’employeur a la possibilité de « rattraper les insuffisances de l’accord » et, ainsi, de sécuriser la convention de forfait-jours issue dudit accord collectif. Pour cela, l’employeur doit respecter les points suivants :

  • Etablir un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées
  • S’assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires
  • Organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail (qui doit être raisonnable), l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération et s’en ménager la preuve.

Attention ! Certaines conventions collectives telles que celle du SYNTEC imposent la tenue de deux entretiens annuels.

En d’autres termes, l’employeur doit respecter les règles impératives de garantie du respect des durées du travail, des repos et de l’équilibre vie privée-vie professionnelle lorsqu’il met en place une convention de forfait basée sur un texte collectif antérieur au 8 août 2016.  Dans ce cas, il n’encourra pas de remise en cause de la convention alors que le texte collectif est défaillant. En revanche, si le texte collectif est conclu après le 8 août 2016, les manquements rédactionnels remettront en cause la validité de la convention de forfait.

Notre conseil

Forfait jour - conseil - valoris avocats

Dans tous les cas :

  • Respecter toutes les règles de mise en œuvre afin de sécuriser les conventions de forfait-jours quelque soit le texte conventionnel dont sont issues les conventions
  • Conserver une preuve du respect de ces obligations.

En cas de défaillance de l’employeur, le danger est le suivant :

La convention de forfait-jours risque d’être privée d’effet, et le salarié pourra solliciter le paiement d’heures supplémentaires et également l’application des textes relatifs au contingent annuel et à la contrepartie obligatoire en repos, voire également mettre en cause la responsabilité pénale de l’employeur au titre de l’infraction du travail dissimulé.

Le délai de prescription étant de trois années en matière de rappel de salaire, l’addition peut s’avérer salée…

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